dimecres, 22 d’octubre del 2008

La Retirada

Le terme exode conviendrait mieux à cette terrible fuite devant la terreur franquiste du début de l’année 1939. Il y avait déjà eu des départs pour l’étranger en 1937, lors de la chute du Pays basque, en 1938, également, dans la poche de Bielsa (Aragon). Dans le Pallars (Catalogne) au cours du mois d’avril, plus de 500 personnes franchissent le port de Salau à la frontière avec l’Ariège et sont amenées dans des centres d’hébergement dans toute la France. Aucune commune mesure avec cet afflux de plusieurs centaines de milliers de personnes (500 000 environ), restes de l’armée républicaine et surtout civils : femmes, enfants, vieillards notamment, de toutes conditions sociales, (intellectuels, ouvriers, paysans…) franchissent la frontière française en quelques jours du 31 janvier au 9 février 1939, date de fermeture de la frontière par les franquistes. Ces réfugiés traversent les Pyrénées dans des conditions épouvantables, au cœur d’un hiver rigoureux. Des enfants, des vieillards, épuisés, affamés, meurent. Des femmes accouchent sur les bas-côtés.

Absence totale d’anticipation et de prévisions du gouvernement français malgré les avertissements répétés de l’ambassadeur français à Madrid et des militaires en poste à la frontière franco-espagnole. Devant la rigueur de cet hiver 1939, les campements dans la montagne à Bourg-Madame, La Tour de Carol, Prats-de-Mollo sont rapidement abandonnés. La plupart des réfugiés sont entassés, dans ce qu’on a appelé plus tard « Les camps du mépris », sur le sable nu des plages du Roussillon : Argelès-sur-Mer, Le Barcarès, Saint-Cyprien. Les familles sont séparées, les femmes et les enfants sont envoyés dans différents points du territoire français. Dans les camps de la côte, peu à peu des baraquements sont construits avec électricité et latrines. Ce sont en fait des camps de concentration, pour parquer et surveiller. Dès le début, les réfugiés espagnols sont considérés comme indésirables. Bientôt, ouvrent les camps du Vernet d’Ariège, Bram (Aude), Gurs (Pyrénées-Atlantique), Rieucros (Lozère), Agde (Hérault), Septfonds (Tarn-et-Garonne) et la forteresse de Collioure (Pyrénées-Orientales) pour les individus considérés comme les plus dangereux. Certains exilés sont déportés dans les camps du sud algérien ou tunisien.

À partir de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, les hommes valides sont engagés dans les Compagnies de travailleurs étrangers (CTE) où ils sont exploités. Ils fournissent à bon marché une main d’œuvre pour l’agriculture et les grands travaux. Des pressions innombrables sont exercées, dès le début, tant par le gouvernement franquiste que par les autorités françaises pour ramener les « brebis égarées » au bercail. Des femmes sont renvoyées contre leur gré, à leur insu même, en Espagne où les attend la répression franquiste. Certains qui ont cru aux promesses du régime de Franco sont, dès leur arrivée, emprisonnés, dans les prisons de la Modelo, de Ventas, torturés, fusillés.

Au total, 15 000 réfugiés partent en Amérique du Sud et au Mexique. L’URSS a accueilli les cadres du Parti communiste espagnol (4 000 personnes au maximun). La plus grande partie des exilés (autour de 200 000) est restée en France et notamment dans le Sud-Ouest. Cet épisode de l’histoire de France reste, malgré le contexte de la guerre avec l’Allemagne, un épisode peu glorieux. Même si les partis de gauche, des associations et de nombreux français ont organisé la solidarité, l’État français a failli à sa tradition d’asile et d’hospitalité. Désormais, les exilés espagnols devront apprendre à vivre dans le pays qui les a si mal accueillis. Le retour dans le pays rêvé, ce sera pour plus tard et pour certains, ce moment n’arrivera jamais.