dimecres, 22 d’octubre del 2008

La Retirada

Le terme exode conviendrait mieux à cette terrible fuite devant la terreur franquiste du début de l’année 1939. Il y avait déjà eu des départs pour l’étranger en 1937, lors de la chute du Pays basque, en 1938, également, dans la poche de Bielsa (Aragon). Dans le Pallars (Catalogne) au cours du mois d’avril, plus de 500 personnes franchissent le port de Salau à la frontière avec l’Ariège et sont amenées dans des centres d’hébergement dans toute la France. Aucune commune mesure avec cet afflux de plusieurs centaines de milliers de personnes (500 000 environ), restes de l’armée républicaine et surtout civils : femmes, enfants, vieillards notamment, de toutes conditions sociales, (intellectuels, ouvriers, paysans…) franchissent la frontière française en quelques jours du 31 janvier au 9 février 1939, date de fermeture de la frontière par les franquistes. Ces réfugiés traversent les Pyrénées dans des conditions épouvantables, au cœur d’un hiver rigoureux. Des enfants, des vieillards, épuisés, affamés, meurent. Des femmes accouchent sur les bas-côtés.

Absence totale d’anticipation et de prévisions du gouvernement français malgré les avertissements répétés de l’ambassadeur français à Madrid et des militaires en poste à la frontière franco-espagnole. Devant la rigueur de cet hiver 1939, les campements dans la montagne à Bourg-Madame, La Tour de Carol, Prats-de-Mollo sont rapidement abandonnés. La plupart des réfugiés sont entassés, dans ce qu’on a appelé plus tard « Les camps du mépris », sur le sable nu des plages du Roussillon : Argelès-sur-Mer, Le Barcarès, Saint-Cyprien. Les familles sont séparées, les femmes et les enfants sont envoyés dans différents points du territoire français. Dans les camps de la côte, peu à peu des baraquements sont construits avec électricité et latrines. Ce sont en fait des camps de concentration, pour parquer et surveiller. Dès le début, les réfugiés espagnols sont considérés comme indésirables. Bientôt, ouvrent les camps du Vernet d’Ariège, Bram (Aude), Gurs (Pyrénées-Atlantique), Rieucros (Lozère), Agde (Hérault), Septfonds (Tarn-et-Garonne) et la forteresse de Collioure (Pyrénées-Orientales) pour les individus considérés comme les plus dangereux. Certains exilés sont déportés dans les camps du sud algérien ou tunisien.

À partir de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, les hommes valides sont engagés dans les Compagnies de travailleurs étrangers (CTE) où ils sont exploités. Ils fournissent à bon marché une main d’œuvre pour l’agriculture et les grands travaux. Des pressions innombrables sont exercées, dès le début, tant par le gouvernement franquiste que par les autorités françaises pour ramener les « brebis égarées » au bercail. Des femmes sont renvoyées contre leur gré, à leur insu même, en Espagne où les attend la répression franquiste. Certains qui ont cru aux promesses du régime de Franco sont, dès leur arrivée, emprisonnés, dans les prisons de la Modelo, de Ventas, torturés, fusillés.

Au total, 15 000 réfugiés partent en Amérique du Sud et au Mexique. L’URSS a accueilli les cadres du Parti communiste espagnol (4 000 personnes au maximun). La plus grande partie des exilés (autour de 200 000) est restée en France et notamment dans le Sud-Ouest. Cet épisode de l’histoire de France reste, malgré le contexte de la guerre avec l’Allemagne, un épisode peu glorieux. Même si les partis de gauche, des associations et de nombreux français ont organisé la solidarité, l’État français a failli à sa tradition d’asile et d’hospitalité. Désormais, les exilés espagnols devront apprendre à vivre dans le pays qui les a si mal accueillis. Le retour dans le pays rêvé, ce sera pour plus tard et pour certains, ce moment n’arrivera jamais.

1. Guerre et peur. Les origines de l’exil “pallarès”.

Dés le moment où se prépare le coup d’état de juillet 1936, ses promoteurs comprenaient qu'il fallait se défaire de tout type d’opposition. La manière de faire oublier les résultats des élections de février 1936, était d’obtenir que, par où passeraient les troupes fascistes, les choses ne puissent plus être comme avant. L’usage de la violence, l’assassinat et la peur n’étaient pas improvisés, ils étaient à la base du plan du général Mola.

“Il faut semer la terreur…. Il faut donner la sensation de domination en éliminant sans scrupules ni hésitation tous ceux qui ne pensent pas comme nous. Pas de lâcheté. Si nous hésitons un moment et ne procédons pas avec une énergie maximum, nous ne gagnons pas la partie. Celui qui abritera ou cachera un sujet communiste ou du front populaire, sera passé par les armes”

Pendant le printemps de 1937 et en avril 1938, le Pallars a acueilli des centaines de réfugiés venant des provinces de Cadix et de Malaga. Ces femmes, enfants et personnes âgées fuyaient les troupes des "nationaux", ce qu’ils avaient vu et entendu ; avec eux, l’information des atrocités commises par les troupes rebelles, est arrivée, bien avant que le front de guerre parvienne en Catalogne.

Au mois de mars 1938 se produit l’effondrement du front d’Aragon, avec une avancée rapide des troupes rebelles vers la Catalogne. Le 3 avril tombe Lérida, le 6 Balaguer, le 7 Tremp, le 11 Sort et vers le 14 avril les premières unités d’exploration sont déjà à Esterri. Le 20 elles sont à la frontière du Pont du Roi (Val d’Aran), pratiquement sans trouver aucune résistance nulle part. La preuve de ce rapide effondrement est qu’entre le 1er et le 15 avril, dans les Pyrénées eut lieu un exil pratiquement simultané de population civile et d’unités militaires républicaines, depuis la vallée du Cinca jusqu’à la Noguera Pallaresa et la Noguera de Cardos. A la source du Cinca, dans la vallée de Bielsa, la 43ème division républicaine résiste plus longtemps, mais un exil civil se produisit aussi en avril 1938, vers Aragnouet. Cet exil de Bielsa fut sans doute le plus massif et le plus populaire dans les médias internationaux pendant l’année 1938.

Du Pallars vers l’Ariège il n’y eut pas seulement un exil, il y eut presque huit mois d’exil, avec des pauses et des reprises. A partir des contrôles français sur les réfugiés on peut établir l’évolution de l’exil “pallarès” tout au long de 1938. Les routes d’exil pallarès par les Vallées du Salat et d’Ustou confluent à Seix et ensuite à la gare de Saint-Girons. Au début, le passage par le Port de Salau domina et dans quelques cas par le Port d’ Orle, et vers la fin le passage par Marterat et les autres ports.

2. Le pemier grand exil

Entre le 7 et le 10 avril 1938, il y a une affluence maximum avec presque 500 réfugiés à travers le Port de Salau. Bien que cet exil se produise dans un moment de débandade générale, c’est surtout un exil local. La motivation de l’exil fut de continuer aux côtés de la République et la peur des combats, la répression et les abus sur la population civile. Passant par Salau, dans ces jours antérieurs à l’occupation fasciste, on trouve de nombreux groupes: des carabiniers d’Alos et leurs familles, des réfugiés de Malaga qui vivaient dans le Pallars depuis plusieurs mois, des familles du Pallars et surtout beaucoup d’hommes de la Vallée d’Aneu, ayant l'âge d'être enrôlés. Parmi les premiers à passer, il y eut un marchand de bétail avec dix mules, fait qui peut-être n’était pas dû au hasard et qui devait faciliter le passage à travers la neige.

Tous furent arrêtés et identifiés au village de Salau. De là, femmes, enfants et vieux étaient transportés en autobus à Seix, vaccinés et logés, souvent avec la participation de la population civile. Les hommes descendaient à pied les 14 kilomètres jusqu’à Seix. L' étape suivante était la gare de Saint-Girons, d’où les hommes étaient immédiatement rapatriés en Espagne et la population civile éloignée de la frontière, conduite dans un premier temps vers la ville de Rodez en Aveyron.

L’exil par le Port de Salau, fut presque anonyme, sans aucun titre sur les journaux, mais il fut inventorié par les gendarmes et décrit soigneusement dans de petites chroniques du correspondant de La Dépêche à Seix. Accompagnant et parlant au hasard avec les réfugiés, le journaliste recueillit ainsi impressions et informations précises.

“Frontière infranchissable, disions-nous hier, en parlant de celle de l’Ariège, mais le courage désespéré fait trouver des ressources qui dépassane la limitae des forces humaines et c’est ainsi qu’aujourd’hui les populations, en fuyant les Maures de Franco ―ce sont elles-mêmes qui s’expriment ainsi― franchissent le port de Salau, le plus abordable de ceux qui s’ouvrent sur l’Ariège, malgré ses 2.045 mètres d’altitude, malgré la hauteur des neiges qui semblaient en défendre l’accès ” (La Dépêche, 08/04/1938)

“Une femme a accouché à 6 kilomètres de Salau, en pleine montagne, et dans la neige. Les habitants du village et des gardes mobiles sont allés la secourir. L’enfant serait vivant. […] Il en arrive à chaque instant par petits paquets. Des femmes pleurent, portant des enfants, les hommes, déguenillés, haves, bronzés, le regard fixe, des mots écrasés sous les dents, la barbe longue […] Les faibles traînent, se couchent au bord des sentiers et reprennent place avec le groupe qui suit […] Nous rejoignons le premier groupe, qui comprend 7 hommes, 5 enfants, 6 jeunes gens, 2 hommes de 50 ans. Peu après appaissent 27 femmes et enfants dans un état vraiment lamentable. On les vaccine à la gendarmerie de Seix. À 19h. 30, 35 autres réfugiés, accompagnés de carabiniers, passent à Couflens ; 40 autres à 22 heures. Ces derniers précisent qu’à travers la montagne descendent plus de 300 de leurs compatriotes. Ils fuient parce qu’ils sont sûrs, disent-ils, que les soldats italiens et allemands pillent et massacrent tout sur leur passage. Ils arrivent d’Esterri, mais, parmi eux, il y a des réfugiés du sud de l’Espagne, venus, il y a sept ou huit mois, d’Algésiras, de Cadix et Malaga. À Seix, ils sont hébergés dans les maisons et ils mangent à l’hôtel. On donne du lait à volonté à tous les enfants” (La Dépêche 08/04/1938)

“Nous avons pu interroger Mme Trinidad López Delgado, 38 ans, née à Malaga, […] Elle a quitté son pays avec son mari à cause de l’aviation franquiste et par peur des légionnaires marocains. A cause du beau temps, elle assure n’avoir pas trop souffert du voyage sauf à plusieurs endroits où elle avait de la neige jusqu’à la ceinture. Elle remercie les Français de leur accueil et de leurs bons soins, sans oublier la garde civile de Salau” (La Dépêche 09/04/1938)

“La femme qui a accouché à 6 kilomètres de Salau, donnant ainsi un petit Français à notre Couserans, a été recueillie à Salau par une brave femme, Mme Pujol, qui a perdu trois fils lors de la grande guerre. Cette dame se signala par son dévouement durant les inondations d’octobre. Félicitons-la pour son bon cœur d’hier et celui d’aujourd’hui. Le bébé de la refugiée se porte à merveille. Plus tard, il pourra se souvenir de son lit de naissance : au bord d’un sentier dans un berceau de neige” (La Dépêche 10/04/1938)

“La misère des réfugiés : La semaine dernière, une dizaine de réfugiés ont été dirigés sur Rodez. Cette caravane est un résumé poignant du drame espagnol. Il y avait là une mère courageuse avec ses huit enfants, dont le plus jeune avait à peine quelques mois. Partis de Malaga il y a un an, ils furent séparés du père, donton n’a pu retrouver la trace. Avec cette malheureuse famille voyageait un vieillard de soixante six ans, exilé lui aussi de Malaga, et qui avait vu tous ses enfans et sa femme tués par une torpille. Le vieillard, survivant des campagnes de Cuba, racontait tristement ses malheurs ; ses yeux éteints, car il était presque aveugle pleuraient et, avec mélancolie, il nous dit qu’il attendait la tombe comme une délivrance ” (Le réveil Saint-Gironnais, 01/05/1938)



2.1. Le 7 avril 1938. L’exil des carabiniers d’Alos


José Maria Garza Catalan était un jeune carabinier affecté à la douane d’Alos d'Isil depuis le début de 1936. Marié avec Theophile Gil Cuesta, ils avaient un fils Ramon, né pendant le séjour à Alos. Avec le coup d’état, les carabiniers sont toujours restés fidèles à la République. La famille Garza est entrée en France le 7 avril à 15 heures, le 8 ils ont été fichés à Salau. Avec eux, nous avons pu constater la présence d’autres carabiniers d’Alos, comme Antoni Aguilar Peña et son épouse Isabel Campillo Anche. Les hommes furent conduits à Cerbère et vers la Catalogne, les femmes et les enfants à Rodez. Vers 1990, José Maria a écrit, à Toulouse, de brèves mémoires de l’exil des carabiniers.


“Ce devait être les premiers jours d’avril 1938. A ce moment là, le commandant de poste nous réunit et nous apprit les nouvelles du lieutenant qui disaient qu’il fallait passer la frontière, le plutôt possible. Tous unis nous les fîmes. Je revins à la maison et je dis à ma femme : « Prépare le plus nécessaire et une valise, nous allons passer la frontière ». Ce qui fût, fait par tout le personnel des Douanes. Je portais le fusil et le pistolet, une couverture et la valise. Ma femme portait l’enfant. Quand nous étions fatigués, nous posions la couverture sur la neige et nous nous reposions. Il y avait assez de neige […] il faisait un vent froid, et notre fils avait du sang sur le visage à cause de ce vent. C’était une procession interminable tous voulant arriver en terre Française. Je me souviens de la Brèche de Roland. Vers les trois heures de l’après midi, nous sommes arrivés à un sommet, d’où partaient deux montagnes, séparées par un étroit couloir où deux personnes seulement pouvaient passer. Un panneau avec des grandes lettres indiquait : España-Francia. En mettant le pied sur cette terre nous avons dit : « vive la Liberté. Nous sommes libres ! » Nous nous embrassâmes et je ne puis retenir quelques larmes. Maintenant nous descendons et nous arrivons à la tombée de la nuit, dans une vieille grange où nous avons passé la nuit à la belle étoile, guettant le lever au jour, pour pouvoir arriver au village Salau. Avant d’y arriver il y avait une table et cinq gendarmes qui demandaient les papiers et récupéraient fusils et pistolets, nous étions alors désarmés. Arrivés à Salau les femmes et les enfants étaient séparés des hommes. Les premiers furent embarqués dans des camions, ce fut un moment très amer. Nous allâmes en différentes étapes, à Saint Girons. Avant d’y arriver nous passâmes à Seix où on nous vaccina avant d’arriver le jour suivant à Saint Girons, conduits par des gendarmes comme si nous étions des criminels. Nous primes ensuite le train pour Toulouse. A la gare des Gardes Mobiles en formation et armés nous attendaient. Des comités d’entraide voulaient nous donner des colis par les fenêtres du train, empêchés par les Gardes Mobiles.” (Archive de la famille Garza. Traduit de l’Espagnol par Raymond Garza)

3- L’exil entre avril et mai 1938

Après les premiers jours d’avril, avec l’arrivée de nombreux groupes d’exilés, le calme [va revenir] est revenu brièvement dans les Vallées du Salat et d’Ustou. Les troupes franquistes avaient occupé la route principale, tant dans le Val d’Aneu que dans le Val d’Aran et étaient arrivées à la frontière à Lés, mais par contre ils ne contrôlaient pas encore de larges zones du Haut Aran. De nouveau, les brèves notes des journaux et hebdomadaires de l’Ariège nous renseignent sur la situation qui régnait dans le Pallars, avec quelques zones occupées par les rebelles, d’autres en réorganisation républicaine et des zones qui n’étaient occupées par personne, comme les rives d’Alos et de Montgarri. A la fin d’avril et les premiers jours de mai 1938, de nouveaux groupes de réfugiés arrivent. Les gendarmes et le journaliste constatent que, malgré l’occupation franquiste, il y avait un mouvement répété de réfugiés qui continuaient d’arriver. Ce fait intéressa le journaliste de la Dépêche, car ils arrivaient souvent de zones déjà occupées et il voulait savoir si les actes d’atrocités racontés par les premiers réfugiés, ceux qui avaient fui avant l’arrivée des troupes franquistes, s’étaient bien produits. Le mouvement répété d’exils montrait que l’occupation militaire fasciste n’avait pas le contrôle total du territoire.


“Au moment de l’occupation par les nationalistes de la vallée du Noguera-Pallaresa et du Val d’Aran, nous avons assisté au passage en masse a Saint-Girons de centaines d’enfants, femmes, vieillards et miliciens, qui fuyaient devant l’horreur des combats. Depuis huit jours, nous avons assisté à l’exode d’autres réfugiés, qui eux fuient ce qu’ils appellent les atrocités des armées de Franco. Ce sont pour la plupart des jeunes, qui, et ils l’avouent eux-mêmes, de cachaient en attendant le retour des forces républicaines. Ces dernières ne revenant pas vite et les brigades navarraises d’épurant on étant sur les lieux, les antifascistes s’enfuient. Parmi ces réfugiés, il y a quelques viellards ; ce sont des « concejales » ou des « alcaldes » du régime républicain, et l’on comprend très bien que ces braves gens n’attendent pas, pour passer leurs pouvoirs aux nouvelles autorités franquistes. La terreur règne dans toute cette contrée ; aux horreurs de la guerre civile, s’ajoute la tragédie des dénonciations et des vengeances personnelles" (Le réveil Saint-Gironnais, 05/05/1938)

“Dans l’après-midi du 30 avril, 18 réfugiés des environs de la frontière espagnole sont arribés à Seix. Il y avait là des hommes, des femmes et des engants. Parmi eux se trouvaient deux manœuvres de nationalité portugaise, nommés F- Domingo i F. Montalbe [Il se réfère à Domingo Fernandes et Francisco Gonsalves]
Questionnés, le premier, qui parle bien le dialecte du voisinage de notre frontière, a répondu comme suit aux questions posées : « J’étais à Rives, près d’Esterri depuis cinq ans où je suis marié et père de deux enfants. J’ai laissé ma famille pour chercher du travail, car là-bas il n’y a plus rien, ni pain, ni vin, ni habits. L’armée nationaliste occupe la région depuis une vingtaine de jours. Il y a, à Esterri, quatre ou cinq mille hommes : Italiens, Allemands, Espagnols et Maures, sous les ordres d’un commandant. On nous obligés à travailler pour eux gratis. Personnellement, j’ai été occupé au val d’Aran au ramassage des armes et des munitions abandonnées. Les réfractaires étaient seulement menacés du pistolet ». Nous lui demandons s’il y a eu des combats dans la haute vallée de la Noguera et s’il y a eu des atrocités commises par les Maures sur les femmes en particulier. Notre interlocuteur nous répond : « Il n’y a eu aucun combat dans la région d’Esterri, pour la bonne raison que les républicains espagnols n’ont opposé dans cette région aucune résistance. Je n’ai pas entendu parler de sévices sur les personnes ; en particulier, je n’ai pas entendu dire que des jeunes femmes aient subi des violences, comme cela ce serait produit ailleurs ». Notre interlocuteur ajoute qu’aucune route n’est entreprise dans le voisinage de notre frontière en amont du village d’Alous et qu’il n’a rencontré aucun service de contrôle d’Alous à notre col de Salau" (La Dépêche, 01 i 02/05/1938) [Ces deux réfugiés faisaient partie d’un groupe de mineurs portugais qui travaillaient depuis plusieurs années sur les chantiers de la route d’Esterri à Alos. Malgré leurs affirmations un mineur portugais avait déjà été assassiné le 17 avril 1938]

“Dans l’après-midi de mercredi [04/05/1938], vingt-trois réfugiés, hommes, femmes et enfants sont arrivés à Seix, venant de Couflens. Ils avaient pénétré en France par le col de Salau. Tous ces étrangers, sont originaires des localités du voisinage de notre frontière : Esterri et Alous. Questionnés sur les motifs réels de leur exode tous sont unanimes a reconnaître que la vie est devenue extrêmement difficile dans la péninsule Ibérique depuis quelques mois : « Tout, nous dit l’un d’eux, est réquisitionné pour l’armée. Il n’est plus possible de trouver le nécessaire pour vivre et s’habiller. Dans la haute vallée de la Noguera, la vie-est devenue impossible ». Un autre ajoute : « Je suis d’Esterri où depuis l’arrivée des soldats de Franco, on est surveillé comme des malfaiteurs. De plus, les poules et les lapins disparaissent pendant la nuit. Il va de soi, qu’à tort ou à raison on accuse les soldats »” (La Dépêche, 06/05/1938)

dimarts, 21 d’octubre del 2008

4. La fuite depuis Alos

Entre le 27 mai et le 1° juillet 1938, l'insécurité, la peur, la répression, les assassinats et aussi les déportations de population civile firent qu'une grande partie des habitants qui restaient encore à Alos se décidèrent à partir. La peur se fondait déjà sur des expériences proches de répression et d'assassinats. Le 17 avril au Prat del Fuster de Sorpe furent exécutées onze personnes. Le 24 mai, neuf personnes de la Vall d'Unarre furent assassinées à l'Hostal d'Aidi. A nouveau, le correspondant de La Dépêche recueille un témoignage clé, d'un adulte d'Alos, au moment précis de l'exil.

“Depuis quelque temps, les réfugiés étaient rares. Dans l’après-midi de samedi et la matinée de dimanche 29 mai, nous avons vu arriver quarante et un réfugiés nouveaux à Seix : hommes, femmes ou enfants, venus des derniers villages de la vallée indiquée, de la Noguera-Paillarésa. La plupart sont d’Alos, dont le clocher à vol d’oiseau est à quelque dix kilomètres de notre village de Salau. Questionnés sur cet exode tardif, étant donné que les nationalistes occupent cette vallée depuis Pâques, tous sont unanimes à déclarer que leur existence était devenue impossible, tant au point de vue du ravitaillement que sous le rapport de l’insécurité. L’un d’eux, J. Diu, 60 ans, nous dit qu’il habité Toulouse pendant vingt-deux ans. Il nous explique en bon français combien le peuple espagnol souffre en ce moment, physiquement encore plus que moralement. Nous lui passons donc la plume : « Je suis un bon propriétaire d’Alos, où je vivais dans l’aisance. L’an dernier, en raison des événements qui ont bouleversé notre malheureux pays, nous avons constitué un comité local républicain, dont j’étais le président. Le Tort d’Alos, que vous devez connaître de réputation, en était le secrétaire. Celui-ci, avec tant d’autres, a gagné les cols dès les premiers jours de l’arrivée des franquistes à Esterri.

Tous ceux qui étions visés, nous avons du vivre dans les transes à la merci d’une patrouille. Nous savions le sort qui nous attendait, étant donné que tant de braves types d’Esterri ou d’ailleurs qui n’avaient rien fait de mal on été journellement martyrisés et fusillés.

D’autres, ont été évacués vers des destinations inconnues et qui n’ont jamais plus donné signe de vie. Depuis que les républicains font preuve d’activité sur les montagnes de Campirme en amont de Tremp des renforts nationalistes arrivent journellement à Esterri et jusqu’à Isil.
Jeudi dernier [26/05/1938], vers 9 heures, dix-sept gardes civils sont arrivés à Alos et on saisi le bétail et les vivres. Ils ont cherché à arrêter les principaux du village qui avaient déjà fui à leur approche.

Notre village, qui n’avait eu jusqu’à ce jour que la visite de quelques patrouilles, a été donc occupé. Il a suivi le sort des autres de la basse vallée où la population a été dépossédée des vivres et du bétail et décimée par des exécutions sommaires. Ainsi donc, pour échapper à la famine à des actes plus que barbares et, quelques-uns d’entre une cruelle agonie, nous avons abandonné maisons et biens pour arriver en France où nous commençons à revivre en dépit de notre triste destin».” (La Dépêche, 31/05/1938)

Une soixantaine de personnes provenant d'Alos, de chez Jaumetó, Cabalet, Peian, Peiró, Pixeu, Sanet, Vinyau, Guillem, Marieta, Miqueu, i Sans, de chez Torret d'Isil et un couple de Son, décidèrent de fuir ensemble. Presque tous furent conduits jusqu'à un centre d'internement pour réfugiés à Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme. A travers les souvenirs des enfants qui vécurent cet exil et qui sont aujourd'hui les seuls à pouvoir le raconter à la première personne, ressortent quelques détails intéressants. Alos n'était toujours pas complètement occupé et ses habitants commençaient à subir la présence plus continue de troupes franquistes. C'est ce que montre le dossier d'instruction et la carte que les gendarmes ont fait quelques jours plus tard, quand ils ont interrogé une unité de reconnaissance républicaine qui est entrée en France par Salau.

Ce jour-là, le 26 mai 1938, la Garde Civile se présenta à Alos de bon matin, se renseignant sur une partie des habitants.

"Son père [Antoni Palacin Badia] dit qu'il se trouvait sur la place et la police est arrivée et lui a demandé s'il connaissait Antonio Palacin, celui de chez Sanet, et alors il a dit : "tiens, eh bien, il vient de passer maintenant par là-bas, il suivait..." je dis moi, il a eu du cran, drôlement, hein ? un autre aurait dit "oui, c'est moi". Oh là, là ! on l'attrape et on le tue comme... [...] et lui, il est parti de l'autre côté, qu'est-ce que tu en dis ?" (Juliana Boada, août 2007)

Les gardes allèrent aussi à la taverne de chez Jaumetó, interrogeant au sujet du responsable, Joan Cortina Esplandiu. Antònia Vidal, son épouse, dit qu'il se trouvait dans des granges très éloignées, amb le troupeau et qu'il tarderait à revenir. Joan, en réalité, était allé en France chercher de la contrebande. Vers le soir, avec la maison pleine de gardes, Antònia Vidal, qui était enceinte, Mercè Comenge (une jeune-fille de 15 ans qui était employée dans l'établissement), et les deux enfants du couple s'échappèrent par une fenêtre et se dirigèrent vers le pailler sans être vus. Ce jour-là, les familles s'organisèrent progressivement et, à la nuit, quelques personnes se réunirent à la scierie d'Alos. Depuis la Molina, ils poursuivirent leur chemin jusquà la grange de Socampo où se trouvaient déjà d'autres gens qui aussi avaient fui. Là, ils purent s'abriter de la pluie. Au matin, déjà avec du soleil, ils continuèrent leur voyage vers la crête des montagnes, jusqu'à trouver bientôt de la neige.

Chez Jaumetó : "Quand il est arrivé, on est allé dans la grange, parce qu'il y avait une autre porte fausse [...], on savait que c'était l'heure où il arrivait, et on lui a dit, et il a dit « alors partons, partons en vitesse »" (Mercè Comenge Fortet, janvier 2008)

Chez Sanet : "On est parti d'ici [du village d'Alos] je pense qu'il devait être deux ou trois heures du matin et un souvenir que j'ai c'est la grand-mère, en bas on avait des poules et pour pas perdre de temps en les saignant, elle leur coupe le cou et les têtes sautaient d'un côté et les corps de l'autre, une scène de... disons horrible." (Antoni Palacín Cortina, août 2007).

Ceux qui restent et ceux qui partent : "J'étais là-bas [à la maison] et tous m'appelaient de la rue, bon je le savais déjà depuis la veille [...] qu'ils voulaient partir, oui, tous passaient par la rue là, derrière, et tous m'appelaient et moi, de ces pleurs parce qu'ils partaient et je suis allé les accompagner un bout de chemin [...], là on a fini de se dire adieu et, je vous dis, moi avec de ces pleurs, moi par ici et les autres vers là-bas" (Antònia Caujola Juanati, mai 2008)

La neige au port: “la petite vous la voyez mon frère se l’avait mise… elle avait un mois... on montait ala montagne et il y avait de la neige dans la montagne et alors il se l’avait mise dans la chemise [silence], eh oui…” (Palmira Llorens Teig, mai 2008)

Le 27 mai, ils franchirent le port de Salau. Ils commencèrent la descente et, cette nuit-là, quelques-uns dormirent à la grange de Pouilh, à mi-chemin entre le haut du port et le village de Salau. Le 28, ils arrivèrent à Salau et, sans doute trouvèrent-ils les gendarmes pour la première fois. Les femmes et les enfants de chez Jaumetó, Antònia Vidal, ses enfants Maria et Joan Cortina et Mercè Comenge poursuivirent immédiatement leur voyage vers Seix. La raison en fut l'état de grossesse et de santé d'Antònia Vidal qui réclamait une assistance médicale à Seix et quatre jours de repos à l'hôpital de Saint-Girons. Le reste des réfugiés ne fut pas fiché ce jour-là, sûrement arrivèrent-ils à un accord avec les gendarmes, beaucoup parmi eux se connaissaient par les transactions frontalières. Les familles restèrent logées dans des maisons de Salau. Lorsqu'elles décidèrent de poursuivre leur voyage vers l'intérieur de la France, les familles se séparèrent. Les hommes jeunes demeurèrent cachés dans les montagnes, tandis que les femmes, les enfants et les personnes âgées furent transportés de Salau à Seix en autocar. A Seix, on releva les données les concernant et on leur fit passer une visite médicale au cours de laquelle ils furent vaccinés contre la variole. Le jour suivant, ils prenaient le train à Saint-Girons pour être conduits jusquà la ville de Clermont-Ferrand où ils furent accueillis au Centre d'hébergement des réfugiés espagnols, installé depuis 1937 dans l'ancienne caserne Gribeauval.

Les hommes jeunes restèrent cachés dans les montagnes tout l'été, observant la situation. En même temps, ils récupérèrent du bétail et l'emmenèrent clandestinement en France. Ils évitaient ainsi d'être expulsés de France. Finalement, presque tous entrèrent en France clandestinement afin de rejoindre leurs familles.

Le village de Salau: “ Non il n’y avait rien, c’était vraiment lo désert, deux ou trois maisons que mes frères connaissaient parce qu’ils faisaient un peu de contrebande, l’ainé ” (Palmira Llorens Teig, mai 2008)

Hébergés à Salau: “On est descendus a Salau, et a Salau là on ne savait pas si on partait ou si on restait et alors mon frère, les ainés [Nando Llorens] ils étaient cachés avec Sanet, ils étaient cachés a la montagne et il disait ne partez pas encore ne vous faites pas voir parce que peut être que là-bas la police et tout ça repartira, Franco, repartira et on pourra revenir a la maison, et ils y sont restés quand même” (Palmira Llorens Teig, mai 2008)

Eté dans la montagne : "Mon père a vécu tout l'été ici pour voir s'il pouvait sauver quelque animal, parce qu'ils en avaient beaucoup, environ trois cents brebis, des chèvres, des vaches et des juments, des poules, et lui, faisant des tours et des tours et il pensait toujours si tout allait se calmer et alors après il y a eu... il est parti lui aussi en France et là, il vivait clandestinement parce que la police l'aurait attrapé." (Antoni Palacín Cortina, août 2007)

5. La vie dans une caserne de Clermont-Ferrand

Le Centre d'hébergement des réfugiés espagnols de Clermont-Ferrand fut ouvert en 1937 à la caserne Gribeauval, désaffectée à la suite du désarmement consécutif à la Première Guerre Mondiale. Il se trouvait à l'avenue Carnot, une artère très passante. A l'entrée, il y avait un portail en fer avec deux petits édifices de contrôle de chaque côté. Les réfugiés, à l'intérieur de limites horaires, avaient toute liberté pour sortir de l'enceinte. A la tête du centre, il y avait un directeur qui était français. Le bâtiment principal de la caserne servit de logement. C'étaient de grandes salles avec des lits, une pour les garçons et les hommes âgés qui étaient seuls, et une autre pour femmes et enfants et pour couples âgés. Outre ces salles communes, il y avait quelques petites chambres occupées seulement par une famille.

Hébergement : "C'était une salle plus grande que la salle-à-manger, plus grande oh oui ! et il y avait 30 ou 40 lits, c'est ce qu'il y avait, avec une là-bas, des jeunes-filles et des femmes et les garçons étaient à part, avec un autre endroit comme là mais à part, et les vieux et les femmes dormaient ensemble, d'Alos ils dormaient ensemble." (Mercè Comenge Fortet, janvier 2008)

Hébergement : "Il y avait des chambres individuelles, nous on y dormait, ma mère et moi on y dormait, et ma tante, tous dans la même chambre. Après il y avait des chambres un petit peu plus grandes qui étaient avec des grands lits, enfin avec des lits ou... plus grands et que peut-être il y en avait bien dix ou douze ou quelque chose comme ça. Pour nous, nous avions une petite chambre... enfin, pas petite non plus, mais bon, elle était pas très grande, non." (Angel Marqués Perot, mai 2008)

La cuisine était grande et était située dans un bâtiment différent de celui où étaient les dortoirs. A côté, il y avait une réserve pour la nourriture qui était sous la responsabilité de Maria Gausiach d'Esil, elle était bien agencée et avait des étagères garnies de denrées. A notre connaissance, ont travaillé à la cuisine Remedios Cerdà Opistan de Tavascan, Marcel.lina Llorens Teig d'Alos et Camila Perot d'Estaon. De bon matin était servi un petit déjeuner avec du café au lait qui était distribué dans des pots en métal, ensuite le déjeuner et le dîner étaient servis dans un grand réfectoire. Pour goûter, on distribuait une tranche de pain avec du chocolat. Le souvenir qu'en ont gardé les informateurs, en ce qui concerne la nourriture, est qu'elle était abondante et bien préparée. Plusieurs jeunes-filles servaient le repas à table et se chargeaient de ramasser les assiettes à la fin. Parmi les jeunes-filles qui accomplissaient cette tâche, il y avait Mercè Comenge Fortet, de València d'Aneu, Rosa Llorens Teig, d'Alos et Teresa Larriba Cerdà de Tavascan.

Garde-manger : "Le garde-manger se trouvait dans le même bâtiment mais près de la cuisine, mais au rez-de-chaussée hein. Oui, là il y avait des étagères avec du chocolat, des boîtes de lait, de confiture et de tout, hein !" (Angel Marqués Perot, mai 2008)

Cuisine et garde-manger : "Elle [Camil.la Perot], elle était chargée de la cuisine, elle faisait tout le manger. Et alors Torreta de Gil, celle-là était au garde-manger. Comme Torreta d'Isil savait parler le français et ma mère aussi, comme çà elles se comprenaient avec les chefs." (Angel Marqués Perot, mai 2008)

Manger : "J'avais vu des fois y mettre des biftecks ou de taureau comme on doit dire, ou de boeuf, de gros biftecks là-bas dans cette poîle à frire et on ne manquait de rien, nous, non." (Angel Marqués Perot, mai 2008

A l'intérieur et à l'extérieur du centre
Beaucoup parmi les femmes qui étaient réfugiées au centre réalisaient des tâches quotidiennes telles que nettoyer les dortoirs, aider à la cuisine ou distribuer la nourriture. Ce travail n'était pas rémunéré. Les cuisinières, cependant, percevaient un petit salaire pour leur travail. Les travaux rémunérés étaient exécutés par des personnes sachant parler le français. Il y avait aussi des réfugiées qui faisaient de la couture ou du tricot dans le centre. Une femme de Clermont-Ferrand leur confiait la confection de dentelles et leur payait le travail. Amparo Marsan Ordi, de chez Paredé de Son, participa à ce travail. Quelques femmes travaillèrent à l'extérieur, comme Mercè Comenge qui, pendant un certain temps, sortait de la caserne tous les jours pour aller travailler dans une maison des environs de la ville. Le fait de disposer d'un petit salaire permettait d'aller acheter, dans les grands magasins Prisunic, des articles tels que du papier à lettre, des timbres, de la laine pour faire quelque tricot, ou même de visiter le studio d'un photographe et d'aller au bal.

Couture : "C'était une dame qui allait là-bas qui était celle qui leur donnait du travail [...], c'était celle qui leur disait par exemple : faites-moi ces chaussettes, faites-moi un tricot, faites-moi ceci, faites-moi cela et elle les remportait et elle leur donnait des sous ou elles gagnaient quelque chose là-bas. Ça leur servait pour les menues dépenses." (Josep Rosell Marsan, novembre 2007)

Travail domestique : "Moi je suis allée travailler dans une maison, ils ont dit que celui qui voudrait travailler qu'il le fasse, on me transportait tous les jours en voiture, tous les jours le soir et le matin on venait me chercher." (Mercè Comenge Fortet, janvier 2008)

Au Prisunic : "On sortait au-dehors, non ? On a fait une photo là-bas avec un photographe mais au-dehors et moi encore je m'en souviens que ma mère savait tricoter et elle est allée là-bas au Prisunic et elle a acheté de la laine. J'étais tellement content avec un pull long avec une fermeture éclair qu'il avait, j'étais couvert jusque là, ah! ce que j'étais content, j'étais chic alors avec ce pull ! [...] le Prisunic, des grands magazins. Il était assez grand, il y avait des étages, deux ou trois étages, il y avait de tout là !" (Angel Marqués Perot, mai 2008)

Au bal : "Après il y avait deux garçons qui nous accompagnaient au bal aussi. (...) Ils étaient espagnols, ils étaient de famille espagnole (...) et ils nous emmenaient à un bal et il y avait beaucoup de couples et ils dansaient et quand nous étions servis, avant que ce soit l'heure, allez..." (Mercè Comenge Fortet, janvier 2008)

Avec l'arrivée des réfugiés provenant de l'exode du mois de février 1939, on interdit l'accès depuis l'extérieur et on limite au maximum les sorties du centre. Angel Marqués, qui avait suivi les cours d'une école française proche de Gribeauval, devra cesser d'y aller. Il suivra alors les cours qu'une milicienne ainsi que d'autres meîtres d'école, dispensaient au milieu de la cour de la caserne. Les conditions de vie dans la caserne se dégradèrent assurément avec l'augmentation du nombre de personnes accueillies. De toutes façons, ces conditions à la caserne Gribeauval et en général dans les différents centres d'accueil qui existaient dans beaucoup de départements français sont loin d'être aussi déplorables que celles des camps de concentration de 1939. A l'hôpital de Clermont-Ferrand, l'Hôtel-Dieu, les réfugiés aussi y furent admis chaque fois que cela fut nécessaire et toujours bien traités.

Ecole dans la cour : " Je me rappelle qu'il y avait une jeune-fille, une jeune-fille qui devait avoir une trentaine d'années, elle était milicienne (...), au début quand nous étions seuls, enfin quand nous étions seulement ceux d'ici, je te dis ceux de la vallée d'Aneu et là, des enfants de mon âge il y en avait pas beaucoup, alors on m'emmenait dans une école française et quand est arrivée toute la débandade, alors... bon quand ils se sont tous regroupés là-bas, alors ils nous faisaient... dans une cour, ils nous faisaient la classe en espagnol, les maîtres d'école." (Angel Marqué Perot, mai 2008)

A l'Hôpital : "Oui, le médecin faisait des visites (...) je ne le comprenais pas mais ils se faisaient comprendre, je ne sais comment dire il mettait un peu comme nous de ça là. Il y avait un garçon espagnol qui était là-bas depuis beaucoup d'années, il venait me voir parce qu'il paraît que c'était un prétendant mais il venait me voir et lui, il disait aux medecins comment j'allais, oui, oui." (Mercè Comenge Fortet, janvier 2008)

6. La fin du séjour à la caserne Gribeauval de Clermont-Ferrand

La plupart des 113 réfufiés du Pallars qui furent accueillis au Centre d'hébergement des réfugiés espagnols de Clermont-Ferrand avaient des parents établis en France. Pour quitter le centre d'accueil, il fallait qu'un parent se charge du transfert, logement et manutention. Les processus commençait avec une lettre de réclamation du parent adressée au Préfet du département où il habitait. Le Préfet s'assurait, à travers des certificats des mairies, que celui qui effectuait la réclamation pouvait faire face à l'accueil au plan économique. Une fois réglées les démarches de la réclamation et prise la décision par le préfet du Puy-de-Dôme, on préparait le départ de la caserne.
Du groupe de 61 personnes qui sont parties d'Alos vers la fin du mois de mai 1938, les premiers à sortir l'ont fait le 22 juin 1938. Ils venaient de chez Miqueu, Antònia Bringué Farré et ses enfants Maria et Joan Gallart réclamés par Antoni Bringué Farré qui résidait à Cazères-sur-Garonne. Les suivirent ceux de Peian, ceux de Peiró et ceux de Cabalet. Ces derniers sont partis le 21 août et sont allés à Savenay. Teresa Cortina Roig, sa belle-mère Teresa Badia Gaspà et ses enfants Josep, Antoni, Jaume et Teresa Palacin Cortina, de chez Sanet d'Alos, sont partis à Granges-sur –Lot le 6 septembre, réclamés par Antònia Cortina et Pere Roig. Ceux de Guillem, ceux de Sans et ceux de Jaumetó furent aussi réclamés et partirent de Clermont-Ferrand en 1939. Les gens de Son, de chez Bonet et chez Paredé, sont partis les uns après les autres pour la localité de Samatan.
Il y a eu également des familles qui sont retournées en Espagne comme dans le cas de Francesca Pujades Faidelle et sa petite-fille Isabel Abrié, de chez Canal de Lladorre, qui quitta Clermont-Ferrand le 23 juillet 1939. Mercè Comenge Fortet, de chez Nanroi de València d'Aneu quitta le centre le 30 novembre 1939, à un moment où le gouvernement français voulait récupérer la caserne pour son utilisation militaire à cause de la guerre avec l'Allemagne. Le 26 décembre 1939, les derniers réfugiés qui s'y trouvaient quittaient Gribeauval. Parmi les derniers à partir, il y avait Encarnació Gallart Roquet, de chez Miqueu d'Alos, Emília Tudet Borrut de chez Pixeu d'Alos, et Camil.la Perot Pedrico, son fils Angel Marqués Perot et sa soeur Antonieta, de chez Calatxo d'Estaon, et Maria Gausiach Robert, de Torret d'Isil. Ces femmes, étant donné le travail qu'elles faisaient à la caserne, faisaient partie d'un groupe de personnes indispensables jusqu'au dernier jour au fonctionnement du centre.